Instincts de vie

 "Le poids d'une charge dépend de celui qui la porte".

Per Olof SUNDMAN

Je vous présente Luc, 16 ans, adolescent qui a marqué les esprits en faisant du foyer sa cour de récréation. Leader négatif, le temps de son passage a laissé un goût amer en insufflant une dynamique détestable sur le groupe.

Petit gringalet avec une démarche de crabe, sa chevelure crépue, style "rasta quarre" qui lui mange le visage lui donne une attitude nonchalante tandis que ses yeux en biais et les lèvres toujours humides lui donnent un air enfantin. Mais ce n'est qu'un air...

Problèmes de comportement à l'école, à la maison, le père en a eu marre. Avant de l'amener, il lui a rasé le crâne, manière d'asseoir son autorité et du jour au lendemain, l'a déposé chez nous, sans rien lui dire, comme la surprise du jour sauf que là c'était pas un Kinder Bueno.

Réception à l'ITEP d'un paquet cadeau, plutôt d'un paquet encombrant : «démerdez vous, ce n'est plus mon problème». Il avait 12 ans.

Arrivé sur mon groupe à l'âge de 16 ans, après avoir écumé quelques services, voilà l'équipe qui se trouve avec un jeune qui en veut à la terre entière. Et qui va nous le faire savoir... 

Avec comme leitmotiv : «j'adore vous faire chier» !

Du style...

Pique les affaires de ses copains de chambre et les balance dans le couloir, parfois à travers la fenêtre du premier étage... ça le fait rire.

En classe, préfère s'asseoir par terre, lire une BD, et rendre l'enseignante folle… ça le distingue.

Il aime bien marcher sur le canapé aussi, et tant qu' à y être autant que ce soit avec les chaussures bien dégueu... ça le rend intéressant.

Il planque la télécommande que nous sommes toujours en train de chercher par dépit... il est joueur.

A table, c'est mieux de manger avec les doigts et de boire directement à la carafe oh puis, dans la foulée, autant balancer des oeufs au plafond et coller du papier toilette sur le mur des douches... qu'est-ce qu'on se poile.

Je passe les insultes, genre «vieille truie» ou «vieux PD», ça l'élève... mais surtout ne pas l'entendre s'adresser à sa mère dont les échanges sont plus qu'humiliants. Alors les insultes envers les éducatrices, comment dire, heuuu, c'est du pipi de chat.

Il ne faut même pas imaginer ce qu'il inspire aux plus jeunes et aux plus sensibles, il jubile de les rabaisser et de les martyriser.

Quant aux dégradations du matériel, porte défoncée avec le pied ou autre, c'est pas lui qui paye, c'est sa mère... qu'est ce qu'il est malin, le môme !

Outre son attitude de petit chef, il aime bien montrer qu'il a de la culture, Luc, en prônant des valeurs de solidarité, de partage, il dit qu'il est hippy voire communiste.                

Il aime bien tripoter les adultes, pas les femmes mais les hommes. Et vas-y que je te pince les mamelons, que je me colle, et frotti, frotta... jusqu'à ce qu'il se fasse traiter de gérontophile en lui expliquant qu'un jeune qui aime les vieux, c'était un peu pathos.  Là, par contre ça l'a calmé.

Et puis un jour, cet anticonformiste a décrété qu'il en avait marre du foyer et le voilà parti en fugue pour rentrer chez lui dans le département voisin. Auto-stop sur l'autoroute, pas de bol, il se fait ramasser par la gendarmerie, et donne comme adresse... celle du foyer.

Retour à l'envoyeur...

Depuis, après des ruptures et des exclusions, Luc a changé son fusil d'épaule... c'est que ça demande de l'énergie d'emmerder les autres !

Alors il a opté pour la tranquillité. Il est shooté du matin jusqu'au soir...

La consommation de cannabis est devenu son mode de vie, peut plus sans passer. Son sens de la réalité est devenu altéré, il est sacrément perché.

Et comme il a le goût du risque, il a fait le choix professionnel de travailler sur les toits, il est devenu couvreur.

A être perché... autant aller jusqu'au bout !

A l'heure actuelle, Luc a quitté l'établissement et n'est plus en apprentissage. Nous n'avons pas d'autres nouvelles.